Epilogue 1 : 10 ans plus tard, deuxième passage de la spirale.

Après l'échec du groupe, je fais une seconde tentative avec Tabou, en compagnie d'Eric Weber (ancien Casino Music), et Eric Fitoussi (ex Marie et les Garçons). Nous sommes le premier groupe de java-rock, cinq ans avant les Négresses Vertes et autres avatars du néo-swing. Tabou reprend du Piaf, du Chevalier ou du Dario Moreno, devant un public qui porte encore les petites cravates de cuir et les costards yuppies de la cold-wave. C'est encore l'incompréhension totale, et il m'apparait clairement qu'il est impossible d'être un tant soit peu d'avant-garde dans ce pays. J'abandonne la musique en juillet 81 après un concert à l'Olympia en première partie d'Indochine et des Civils.
Comme d'autres 'jeunes gens modernes' (Hervé Z.), il est temps de reprendre des études : l'informatique me tend les bras. Programmeur, roboticien, puis en 1987 je monte une des premières boites de production d'animation 3D. Mon passé New Wave me rattrappe une première fois : le vidéoclip du remake de 'Re-bop', par mes ex-collègues de Marie et les Garçons, est réalisé dans les locaux de mon entreprise par Eric Roussel. Fitoussi, Vidal, Lizzy-Mercier Descloux, Weber, plus un paquet d'autres que j'ai oubliés, sont là.

1993. Dans un salon consacré à la communication, je croise Dantec qui vient de monter un projet de boite vidéo. On se parle. Puis on se revoit, assez régulièrement. Sa boite se casse la gueule, la mienne aussi. Il a écrit un bouquin, paru chez Gallimard. Et aussi Backstage, un roman inédit qui raconte de façon romancée nos années rock'n roll. Petit à petit, je deviens son 'conseiller technologique', lui apportant des concepts tirés de mon métier. Comme au temps de notre collaboration dans Artefact, il tire de ces
multiples conversations autour de la cybernétique la matière de son second roman,
Les Racines du Mal. Le roman connait un grand succès, et Canal fait appel à moi pour organiser une petite surprise pour son passage à Nulle Part Ailleurs, l'émission d'Antoine de Caunes (qui est fan) et Gildas. Je propose d'aller tourner une séquence au Gibus avec les anciens membres du groupe. Mais Jean est mort, Jean-paul en amérique du sud, et Marc ne veut rien savoir. On se retrouve, Clode Arto et moi-même, sur la scène du Gib à faire un play-back sur 'Consommateurs' (clin d'oeil à Debord) affublés de nos cagoules du concert de la Main Bleue. Le lendemain, de passage chez Dantec, je décroche le téléphone, et c'est Jean-François Bizot, qui, me prenant pour lui, commence à me féliciter comme si on s'était quitté la veille - alors qu'on n'a pas eu de se nouvelles depuis dix ans ! (Fame ! What's your name ? Comme dit Bowie...)
A cette époque, Mo a encore du respect pour les 'a
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Arto en cyber-terroriste à  NPA, Canal +
llumés' qui sont ses lecteurs et qui le soutiennent. On a fait le bilan de notre passé, de ce groupe dont la valeur était supérieure à l'addition de nos talents individuels, et qui fut totalement boudé par le showbiz traditionnel. La nouveauté est étrange, d'autant plus dérangeante si elle vient de banlieue. Qui plus est, si elle se révèle rétive aux classifications habituelles. Pour les décideurs de Neuilly tout banlieusard ne peut être que bronzé, parlant argot et dansant petit nègre; il est d'autant plus urgent d'ignorer le reste...
On tombe d'accord sur la faillite virtuelle de la France. Et petit à petit, on décide de se casser. Comme, vingt ans plus tôt, on était partis visiter le désert marocain, on se retrouve vite fait dans les bidonvilles de Bangkok, cherchant une issue asiatique à notre pessimisme. Puis sur une plage de Koh Tao, je lui conseille de s'occuper de ces myriades de jeunes technos qui viennent raver sur les plages les nuits de pleine lune : ce sont ces futurs clients. La vie sous les cocotiers nous séduit, mais le fossé culturel avec les impénétrables Asiatiques est trop grand. Il faut trouver autre chose. Au retour de ce voyage, une piste se présente : Mo est invité au salon du livre de Québec. Au mois de juin 1994, je me colle à ses basques dans son périple en Nouvelle-France. Le tapis rouge est déroulé : réceptions chez l'ambassadeur au château Frontenac, balades en Lincoln blanche par le représentant de Gallimard-Amérique, soirées avec la crème des journalistes et jeunes auteurs québécois, rien n'est trop beau pour impressionner le jeune loup du cyber-polard. Nous sommes enchantés par la gentillesse des Montréalais, la vie relax et le look New-York années 50 de la ville.